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Sickboy Moviez
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11 octobre 2013

WAY, WAY BACK

the-way-way-back-posterRares sont les premiers films qui tiennent du coup de maître et s’imposent sur la distance en tant que référence. On pourrait citer bien sur Reservoir Dogs de l’ami Quentin T, Le Projet Blair Witch de Myrick et Sanchez, Evil Dead de Sam Raimi, Les Evadés de Darabont, Clerks de Kevin Smith, Qui a Peur de Virgina Woolf ? de Mike Nichols, ou encore Little Miss Sunshine du tandem Jonathan Dayton et Valerie Faris.

Et encore plus rares sont les semaines durant lesquelles vous tombez sur deux œuvres au contenu fondamental similaire qui vous enthousiasment de manière égale, au point de pouvoir parler de quasi chef d’œuvre sans avoir peur d’en faire trop.

 

Et justement, cette semaine, après Mud, c’est Cet Eté Là qui m’a enchanté au point de me donner l’envie d’écrire pour tenter de vous faire partager un peu de ce plaisir.

 

Si j’ai parlé en début d’article de Little Miss Sunshine, rien n’était du au hasard. Car les deux films sont pour moi emblématiques de la crème du cinéma indépendant US, ce cinéma humaniste et humble, qui charrie autant de torrents de larmes que de raz de marée de rires. Intelligent, piquant, stimulant, il chatouille les zygomatiques autant que les glandes lacrymales sans jamais tomber ni dans le pathos, ni dans la pochade affligeante. En outre – autre point commun d’importance – les deux pellicules partagent les deux mêmes acteurs principaux, les merveilleux Steve Carell et Toni Collette.

 

Duncan (Liam James), jeune ado introverti de 14 ans, part en vacances d’été avec sa mère (Toni Collette), son nouveau « beau-père » (Steve Carell) et sa fille (Zoe Levin), dans leur maison sur la côte. Avec une confiance en lui proche du zéro, Duncan vit mal cette nouvelle relation virile avec un homme qui n’est pas son père et qui n’a de cesse de le harceler, voire de l’humilier (la scène d’intro où ce dernier lui demande de se noter sur une échelle de 1 à 10 est parfaitement ignoble). Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il accepte avec difficulté la situation, mais craque régulièrement et s’isole, rejeté par tous, les adultes autant que ceux de son âge qui le trouvent sans intérêt. Seule sa jeune et jolie voisine Susanna (AnnaSophia Robb) semble se sentir un tant soit peu concerné par son sort, jusqu’ ce qu’il rencontre par hasard le fantasque Owen (Sam Rockwell), manager d’un parc aquatique local. Aussi immature soit-il, Owen va apporter à Duncan tout ce que personne ne lui a jamais donné, de la considération, de la confiance, un travail, du temps, et surtout, de l’amour, au point de le transformer en profondeur et de lui bâtir une passerelle vers le monde adulte qui le rebute tant.

 

Une fois de plus, à l’instar de Mud, Way, Way Back traite du passage difficile de l’enfance à l’âge adulte, période traumatique s’il en est, et mélange atroce de relations conflictuelles avec les parents, les amis, les transformations psychologiques et corporelles, les premiers amours qui vous marquent d’une manière indélébile, et surtout, la quête d’identité. Et tout comme l’œuvre de Jeff Nichols, Cet Eté Là offre la présence catalytique d’un adulte extérieur à la cellule familiale, véritable détonateur d’une émergence individuelle qui transformera la vilaine chenille en magnifique papillon. Et dire que ce film touche du doigt la perfection n’est pas une vaine formule. Car comme Little Miss Sunshine, il utilise l’humour noir comme antiseptique cicatrisant les plaies de l’âme à grands coups d’ironie mordante et de répliques sans pitié, sans pour autant dissimuler l’émotion sous de grosses couches de névroses rebutantes et complexes. Car son malheur, Duncan le partage avec des millions d’autres ados méprisés par la chance et leur entourage.

La magie de ces films est de vous laisser seuls juges de vos propres réactions. Pas de rires enregistrés pour bien souligner les gags, pas de nappes de violons sucrées pour vous tirer les larmes des yeux, tout est subtil, nuancé, et trop intelligent pour croire que vous n’êtes pas capables de savoir faire la différence entre une comédie amère et mordante, et une vulgaire pantalonnade ridicule noyée sous les effluves inutiles. Pour un premier essai, Nat Faxon et Jim Rash (passés derrière la caméra par défaut) se posent en nouveaux rois de la comédie dramatique ciselée, maîtrisant autant la mise en scène que la direction d’acteurs. Sur une musique parfaite (Robert Palmer, Reo Speedwagon, INXS, Mr Mister, Army Navy), ils brossent un tableau désenchanté de la middle class US, pourrie de l’intérieur par des adultes inconstants et inconsistants, manipulateurs, parents indignes et autres beauf de troisième zone avides de barbecues et bière bon marché, géniteurs d’ados boursouflés de certitudes et de méchanceté.

Son village côtier est tout sauf enchanteur, bien loin des cartes postales californiennes chamarrées, hanté par des maisonnettes ternes, des jardins secs, des plages surpeuplées et bruyantes, et des apéros/dîners interminables et glaçants d’hypocrisie et d’adultère.

 

A côté de ça, le parc aquatique qui au départ semble complètement anachronique et obsolète devient un havre de paix et de bonheur pour Duncan, qui va y trouver toute la complicité et la chaleur dont il avait besoin. Avec Owen en triple guide (patron/ami/père de substitution), Duncan va s’aventurer sur le terrain de la vie qu’il aurait du avoir, remplie de moments tendres, d’épreuves initiatiques, de rires incessants, de responsabilités, et de promiscuité affective que son père et sa mère ne peuvent plus lui garantir. La mise en scène qui au départ semble présenter le cadre résidentiel comme un espace de loisirs et de joie, en contraste avec la vétusté du parc glisse soudain dans les tonalités et les couleurs pour inverser la symbolique. La maison de vacances devient une prison, un asile dans lequel toutes les transgressions sont permises, et de fait, tous les trauma, tandis que le parc devient un Eden multicolore brillant de mille feux.

 

Sorte de croisement entre The Ice Storm (pour le comportement haïssable des adultes et ce qui en découle) et Adventureland (premier boulot, premier amour, amitié et similarité des personnages/comportements adolescents entre eux et avec leur patron/mentor), Cet Eté Là, outre une écriture subtile et parfois cruellement drôle (repassez vous pour le plaisir la séquence durant laquelle Allison Janney s’emporte contre son fils louchant car il est incapable de lui montrer une mouette, hilarité garantie au son d’un tonitruant et décapant « J’aimerais bien qu’on regarde de jolies choses ENSEMBLE ! ») repose en grande partie sur le talent de ses interprètes, et sur des rôles écrits sur mesure pour éviter les poncifs d’usage sur les familles recomposées/déchirées. Loin des clichés sur le divorce et la reconstruction du rêve américain, les personnalités incarnées par Carell, Collette, Rockwell, Janney, Robb, Peet et James collent bien évidemment au réel, mais sans tomber dans l’excessif ni la caricature, sans doute grâce au talent immense de leurs interprètes. Si James est parfait dans le rôle de l’ado/mouton noir sans avoir besoin d’en rajouter, Carell est à tomber dans une posture à contre emploi, loin de l’homme sympathique/loser attendrissant qu’il a l’habitude de représenter. Absolument détestable, hypocrite et sans aucune compassion, Carell à cette froideur cynique et faussement chaleureuse des véritables psychopathes affectifs. Toni Collette, plus habituée aux rôles en demie teinte s’en sort bien sur admirablement en mère de famille dépassée ne voulant pas laisser son fils sans figure paternelle.

Mais c’est bien sur Sam Rockwell qui éclipse tout le monde en gérant de parc de loisirs en roue libre, jamais à court de vannes. Ses interventions semblent si naturelles que l’improvisation n’est jamais très loin (à tel point qu’en plaisantant sur le tournage, il finit par lâcher une vanne au micro sur l’herpès en présence de nombreux enfants, ce qui a outré le véritable propriétaire du parc…), et que sa fonction dans le film s’en trouve encore plus crédibilisée. Pas si éloigné que sa de sa performance dans 7 Psychopaths, versant positif, il suscite autant le rire que les larmes, n’en fait jamais trop, et fait passer un maximum d’émotions en un minimum d’efforts. Au final, il est sans doute le grand frère que chaque jeune garçon rêve d’avoir, tout comme la magnifique AnnaSophia Robb personnalise à merveille l’amour de vacances pour lequel chaque ado de ce monde se damnerait. En voisine faussement blasée mais réellement blessée, elle est parfaite, et pas seulement visuellement. Beaucoup plus crédible qu’une Elle Fanning dans We Bought A Zoo, elle est à l’image du film, sobre, belle, discrète, et tout sauf hors sujet.

 

Bien sur, et pour être honnête, le film n’évite pas quelques longueurs, tombe parfois dans la redite, mais les réussites sont si nombreuses qu’on en occulte sans problème les rares scories. De vrais moments de cinématographie pure vous attendent, de la fête euphorique et cathartique à la Almost Famous, au scènes amères et longs plans serrés solitaires qui vous déchirent littéralement le cœur, jusqu’au final, qui sonne comme une longue inspiration/expiration et vous laisse la tête légère et le sourire aux lèvres. Ce film touchera tout le monde, car nous sommes tous passés par l’adolescence. Que ce soit pour la nostalgie, l’humour (noir, premier degré ou involontaire), pour l’ambiance estivale, ou pour regagner un peu d’humanité, regardez ce film.

 

Car il est à l’image d’un été parfait. Court, drôle, attendrissant, envoûtant, amoureux, triste et laisse le même souvenir indélébile dans la mémoire d’une vie.

 

 

 

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