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Sickboy Moviez
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24 mars 2011

LA MAISON AUX FENÊTRES QUI RIENT

La_MaisonSi le nom de Pupi AVATI ne vous dit rien, ne soyez pas marri ou désolé...Cinéaste transalpin peu connu dans notre beau pays, il est responsable d'une bonne tripotée de comédies atypiques, de pantalonnades plus ou moins captivantes, et est toujours en activité en 2011, puisqu'un nouveau long est en préparation, sous le titre alléchant Il Cuore Grande delle ragazze!

Mais la facette la plus hermétique de notre gentil Pupi est bien son versant sombre, capable de donner à l'horreur la plus pure une patine hypnotique, et de transcender le moindre instant de silence pour en faire un concerto effrayant de douleur. Outre le glauquissime Zeder sorti en 1983, et miraculeusement parvenu jusque chez nous (et que je vous recommande chaudement!), Avati eut un éclair de génie en cette belle année 1976, et offrit en pâture aux esprits les plus démesurément avides de frayeurs travaillées, le cultissime La Maison Aux Fenêtres Qui Rient (La Casa Dalle Finestre Che Ridono).

Sorte de croisement entre le fabuleux The Changeling de Peter Medak pour les climats intérieurs, et de gialli borderline tels Torso ou Mais Qu'avez Vous Fait A Solange pour les rapports entre les protagonistes et l'ambiance délétère d'un village, La Maison est un modèle de terreur absolue, progressive, de pulsions morbides fatalistes et d'humour noir très concentré. Film au développement très lent, qui laisse aux personnages le temps de s'installer dans l'histoire, bâti sur un scénario très simple et très efficace à la fois, laissant la part belle aux longues scènes d'exposition intérieur/extérieur, La Maison Aux Fenêtres Qui Rient est une bobine malsaine, qui mélange des personnages semblant tout droit sortis de l'esprit d'un Pasolini ou d'un Scola bien défoncé, avec un cadre désolé, digne d'un Western rural crépusculaire.

Le pitch est relativement simple. Stefano, restaurateur de tableaux, est informé par un ami qu'une toile gigantesque ornant la paroi d'une église locale a besoin d'être rafraichie. A peine arrivé sur place, il se rend compte que les habitants sont tous un peu à la masse (mention spéciale a Pietro Brambilla, l'attardé de service), et que quelque chose de pas très clair se cache sous l'épaisse couche de non-dits. Une fois parti de l'hôtel sordide dans lequel il s'adonnait à quelques parties de jambes en l'air avec l'institutrice - à la fois locale et peu farouche - il s'en va loger chez une vieille dame paralytique, constamment alitée au premier étage d'une demeure aussi massive que bizarre. Peu de temps après, et une idylle nouée avec la nouvelle institutrice - très locale aussi, mais pas farouche non plus - aperçue sur le bateau le menant au village dans la poche, Stefano se met à entendre des bruits étranges venus des étages supérieurs. Il finira par trouver au grenier un magnétophone, qui lui révélera l'identité de l'auteur de la gigantesque fresque de l'église, un dénommé Legnani. Celui ci avait pour étrange passion de peindre des mourants, à l'instant même de leur trépas, pour en capter l'essence ultime. Et en mettant à jour la toile dans sa magnificence d'origine, il finira par se rendre compte que les personnages représentés par la peinture ne sont pas si étrangers qu'il le croyait...

Tout ceci aurait pu (du?) aboutir à une catastrophe annoncée, mais en 1976, le fantastique transalpin n'est pas encore tombé dans ses travers de la fin des années 70/début des années 80, à savoir calquer les gros succès étrangers pour les adapter à leur sauce à base de moyens très réduits et d'acteurs approximatifs. Et dire que Pupi Avati à construit un monument avec pas grand chose est un euphémisme. Ce film transpire la peur par tous les pores. Son utilisation des espaces négatifs (le silence, la pénombre) est tout simplement brillante. Les plans étirés mettant en scène un visage, une porte, ou même une pièce entière (la scène du grenier est de ce fait une trouvaille formidable, et l'opposition entre un objet de taille réduite tel un magnétophone et une pièce relativement vaste et vide nous ramène au concept du contenant/contenu et de la métonymie la plus élémentaire) sont tels que l'on a l'impression désagréable d'être projeté au milieu d'un environnement hostile sans pouvoir nous en dépêtrer. Par contraste, les espaces positifs (le soleil/jour et les dialogues) sont tout sauf rassurants, et la canicule, à l'instar d'un Texas Chainsaw Massacre est presque palpable. Les rares paroles prononcées par les personnages n'ont rien de rassurant, et leur gestuelle est parfaitement adaptée à leur discours. On en arrive à une démarcation antithétique d'un Mais Qui A Tué Harry?, entouré de gens qui savent que les autres savent que les autres ne savent pas, et finalement, le film nous laisse toujours dans le même état que son acteur principal, qui découvre les faits les uns après les autres. Si l'on voulait dresser un listing des scènes les plus éprouvantes, il nous faudrait toutes les citer, tant leur progression est aussi inéluctable que logique. Mention tout de même aux séquences à l'intérieur de la vieille bâtisse, et à la scène finale, aussi traumatisante que jubilatoire.

En résulte un film "parfait", aussi impressionnant de maîtrise que d'efficacité, et qui plus de 35 ans après, colle toujours autant les foies. Mieux, il met mal à l'aise. Un conseil, regardez le seul, dans une grande maison mal éclairée, une nuit d'hiver.

Et tendez bien l'oreille.

 

 


 

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