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Sickboy Moviez
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7 février 2012

DIRTY GIRL

dirty-girlInutile de le nier, les Américains sont parfois les dignes héritiers des anglais. Véritables rois de la comédie douce amère, qui stimule les zygomatiques autant qu’elle titille la corde sensible, ils construisent de petits films qui sous des dehors burlesques, font passer des messages simples mais dont on peut tirer d’excellentes leçons de vie.

Ainsi, prenez Dirty Girl. Une affiche genre trash soft, un peu John Waters en moins corrosif, une jolie poupée rose qui attend sagement qu’un garçon vienne jouer avec elle.

Danielle, puisqu’il faut bien la nommer, est ce qu’on appelle communément la bitch du lycée. Prête à coucher avec n’importe quel beau mec, elle traîne sa réputation comme un héritage qu’il lui faut assumer. Incapable de se plier au règlement de la bienséance, elle se fait finalement éjecter de sa classe, pour finir dans le cours des challengers, équivalent Segpa/CPPN dans notre système scolaire, autrement dit (pour la réalisatrice tout du moins), un asile de jour pour ratés complets, losers pathétiques et autre mous du bulbe de l’éducation.

Dans ce même secteur végète Clarke, deux tiers homosexuel obèse tyrannisé par son père et les autres élèves. Il n’a pas choisi sa route, ni ses préférences, mais il est posé là, au fond de la salle, attendant le prochain coup bas destiné à le faire vaciller.

A l’arrivée de Danielle la rebelle, l’enseignante en charge des sous-doués forme des couples, et comme dans ces mauvaises séries B à l’eau de rose, les oblige à s’occuper d’un paquet de farine qui est censé symboliser leur engeance.

Dernière arrivée, dernière servie, Danielle se retrouve en tandem avec Clarke, qu’elle ne manque bien sur pas de traiter de suceur de bites (cock sucker, qu’est ce que ça sonne bien…) dès le départ. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’ils ont tous les deux beaucoup plus de points communs qu’ils ne le croient…

Et lorsque Clarke déniche dans un vieil album de lycée le nom du père de Danielle, père qu’elle n’a jamais connu autrement que sur un vieux photomaton piqué à sa mère qu’elle déteste, le périple vers la Californie démarre…

 

Dirty Girl aurait pu n’être qu’un banal Teen Road Movie de plus sur le thème de l’exclusion et de la différence. Abe Sylvia aurait pu tomber la tête la première dans tous les poncifs, qu’elle évite pourtant un à un.

Avec un casting de parents dépassés classe A (Milla Jovovitch en mère illuminée qui se prend pour une ado, William H. Macy en futur beau-père mormon à l’esprit dangereusement faussé par des règles bibliques bidons, Mary Steenburgen en femme soumise et Dwight Yoakam en père homophobe et violent), et deux acteurs principaux parfaits dans la peau de deux adolescents qui n’en peuvent plus, et qui souhaitent juste trouver le bonheur, ce film fait mouche quasiment à chaque scène, et arrive à nous émouvoir autant qu’à nous faire rire. Et les occasions ne manquent pas. De la découverte de la mère de Clarke lorsqu’elle s’allonge sur le lit de son fils, à cette dantesque et émouvante séance de strip-tease dans un bar un peu spécial, tout est juste, et on se surprend à avoir l’œil humide alors que la gorge est encore déployée de rire. Car ici, la finesse est de mise. Oh bien sur, l’usage de mots réprouvés par la morale n’a pu éviter la classification Strong Language, mais ça n’est jamais gratuit…Après tout, les jeunes d’aujourd’hui utilisent rarement le terme introverti pour désigner un pédé, surtout lorsqu’il s’agit de le blesser…

 

Certains ont comparé ce film à Juno, pour son côté parcours initiatique, mais je ne peux m’empêcher de le mettre en parallèle d’American Beauty pour son côté « Je détruis le rêve américain à grands coups de réalité sordide ». Certes, Dirty Girl n’évite pas les erreurs (dont un anachronisme chronique presque drôle dans les tenues et coiffures de personnages…pour un film censé se passer en 1987, on frôle quand même la période Disco/Bee Gees), et la scène finale sent un peu trop le happy end de projection test, mais la bande originale (pour une fois, pas les hits d’usage dont les réals ont surabusé…) est fantastique, et vous offrira pèle-mêle Pat Benatar, Bow Wow Wow, Sheena Easton, The Outfits, j’en passe et des meilleurs.

Et puis, outre l’interprétation impeccable, et les multiples scènes comiques, le message du film, s’il flirte avec le manichéisme, n’en est pas moins très juste. Et la leçon de vie offerte ici vaut pour tout le monde, quel que soit votre âge, votre sexe, vos inclinaisons…Un petit vent de liberté cache parfois une bourrasque de prise de conscience, et lorsque le temps vous rattrape, il faut comprendre que l’on fait rarement ce qu’on veut comme on le souhaite, mais qu’on passe son temps à panser les blessures en attendant le moment ou la guérison n’est plus possible. Et comme le dit Mary Steenburgen au détour d’un dialogue lourd de sens :

 

« On nous dit toujours qu’il n’y a pas de façon idéale d’éduquer nos enfants, qu’il faut juste faire de notre mieux. Mais que doit-on faire quand notre meilleur côté n’est même pas bon ? »

 

Je vous laisse méditer la dessus.

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