THE DOOR (DIE TÜR)

Bobine quasiment passée inaperçue et méritant une réévaluation immédiate, The Door est bien plus qu'un film fantastique au postulat simple.

Artiste talentueux, David trompe sa femme avec sa voisine d'en face, Gia (Heike Makatsch, déjà vue dans Love Actually et la bonne séquelle Anatomie 2). Au cours d'une de ces parties de jambes en l'air, sa fille se noie accidentellement dans la piscine. Fou de douleur, il part à la dérive et voit son couple se disloquer. Il tombe dans l'alcool avant de tomber par hasard (ou par un coup savamment orchestré du destin) sur un tunnel, qui va directement le ramener dans le temps et l'espace, à l'endroit et au moment même de la tragédie. Il parvient cette fois ci à sauver sa fille, mais les conséquences de ce changement de faits au niveau temporel sont énormes.

Sorte de Back To The Future glauque et noir, mâtiné des Femmes De Stepford, ce Thiller horrifique est un bijou de construction à tiroir, basée sur un script brillant. Il pose sans ambages la question suivante : Peut on corriger ses erreurs, tout en restant celui que l'on est à un instant T? Pour en faire un film, la réponse est évidemment non, et les évènements à suivre, tombant de plus en plus dans le tragique, renvoient aux bases mêmes de la tragédie grecque, voire au complexe d'Oedipe le plus élémentaire. Si l'on tue le père et que l'on épouse la mère, on devient son propre frère, et père à la fois, tout en étant orphelin de celui ci. Ce qui a pour effet de faire basculer la réalité dans un présent virtuel et pourtant bien concret.

Si dans plusieurs films traitant de ce sujet, et notamment le magnifique Triangle, les différentes personnalités temporelles des personnages prennent un malin plaisir à s'éviter pour ne pas déclencher une catastrophe spatio-temporelle, les protagonistes de The Door, au contraire s'affrontent, dans le présent et le passé, pour changer et le passé et l'avenir. Ils reviennent tels des doubles améliorés d'eux mêmes, pour revivre une vie à laquelle ils pouvaient prétendre s'ils n'avaient pas commis d'erreurs. D'où un déferlement de violence, et surtout la peur d'être reconnus pour ce qu'ils sont.

Mads Mikkelsen (Les Bouchers Verts, Adam's Apples, tout deux indispensables), est le symbole même du réveil du cinéma Danois de ces quinze dernières années. Avec son impassibilité de façade, il laisse transpirer les émotions les plus subtiles, et cède à la panique avec une détresse touchante. Il est bien sur le moteur même de The Door, tout à tour pathétique, touchant, voire même, franchement inquiétant. On peut évoquer sans être ridicule qu'il est le pendant négatif dans ce film du Nicolas Cage de Family Man, comme en témoigne la réaction de sa fille, qui bien que pour elle le temps ne se soit pas écoulé, ne reconnaît pas son père.

Alors oui, le scénario est imparfait, et la réalisation manque parfois du panache qu'on est en droit d'attendre de ce genre d'oeuvre. Mais le choix d'une linéarité faussement banale, l'absence d'effet chocs, confèrent à The Door cette patine réaliste et terre à terre qui augmente de fait son impact. Et si vous transposez les faits dans votre propre réalité, il vous sera possible d'entrevoir ce qui aurait pu être votre propre vie si vous n'aviez pas ouvert la porte ce matin là.

The Door, c'est l'incursion du fantastique dans la cruelle routine de notre vie. Tous ses personnages sont irrésistiblement humains, rien de plus, avec leurs défauts, leurs envies, et leurs rêves inassouvis. Et il nous arrive parfois de rêver d'une vie simple, heureuse, et dénuée de tout incident. Chacun d'entre nous cherche ce tunnel qui lui permettrait de revenir en arrière, et d'apaiser sa souffrance et balayer ses regrets. Mais ce que The Door nous apprend aussi, c'est que cette possibilité entraîne toute une série d'évènements nouveaux à assumer, fardeau pas forcément plus facile à porter que le poids du remord.