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Sickboy Moviez
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31 mars 2011

A Bout Portant

A_Bout_Portant_Affiche_France_1Il était temps que la France accouche d’un tel polar sec et nerveux comme un coup de trique derrière la nuque. Foin des parodies et comédies navrantes et/ou des drames interminables développés sur une durée mettant la patience à dure épreuve, notre beau pays a su se rappeler l’espace d’une heure et demie, qu’il était capable de stimuler nos sens et de nous tenir en haleine avec une histoire simple, mais traitée avec brio.

Samuel (Gilles Lellouche), est un simple aide soignant en passe de devenir infirmier, et vit en couple avec la sublime Nadia (Elena Anaya), enceinte de leur premier enfant. Leur vie suit un cours plutôt tranquille jusqu’au soir ou un homme blessé par balle est conduit à l’hôpital…Dans un réflexe professionnel, Samuel le réanime, le sauvant ainsi d’une mort que pas mal de gens avaient l’air de souhaiter. De cet acte, découle tout le reste de l’action. Gênés dans leur entreprise, des hommes de main kidnappent Nadia, et mette à Samuel le marché en main. Il n’a que trois heures pour faire sortir Hugo Sartet (Roschdy Zem) de l’hôpital – surveillé de très près par la police – où il ne retrouvera pas sa femme.

Tout à l’air très simple, mais finalement, Samuel se rend compte que ses vrais ennemis ne sont pas forcément ceux qu’il croyait.

A Bout Portant est le type même de film noir ou l’histoire n’a finalement que très peu d’importance. Le contexte n’est qu’une toile de fond, et seule l’action prime. Et si quelques invraisemblances viennent parfois entacher l’aura de l’œuvre, le traitement, rythmé à outrance et ne cédant jamais à la facilité des effets chocs, nous vrille les nerfs en permanence, aidé en cela par une interprétation juste et sobre, évitant les poncifs.

Gilles Lellouche, en quidam sans importance est tout simplement parfait. Ca n’est pas un hasard s’il était le seul à porter l’infâme Les Petits Mouchoirs sur ses épaules. Chacune de ses répliques, chacun de ses gestes est justifié, et l’intensité de son regard fait passer beaucoup plus d’expressions que bon nombre de ses confrères. Il ne surjoue à aucun moment, et de sa condition de simple homme banal naît une identification qui nous pousse à ressentir ce qu’il ressent, à voir ce qu’il voit, et ne voit pas.

Roschdy Zem, en truand froid et implacable, à la sobriété des grands acteurs, qui laissent leur rôle parler pour eux. En laissant percer un peu d’humanité même dans ses actes les plus cruels (la scène durant laquelle il abat un informateur est glaçante, mais pourtant si jouissive…), il donne une dimension shakespearienne à son personnage, et injecte une bonne dose de Western moderne au scénario très urbain d’A Bout Portant.

Gérard Lanvin dans ce film, fait amèrement regretter au spectateur de l’avoir vu en plusieurs occasions céder aux sirènes de la facilité, et d’avoir gâché son talent dans des pellicules sans nom. Par pitié M. Lanvin, faites attention au choix de vos films, je sais qu’il faut manger et que vous aimez le cinéma populaire, mais il y a une frontière entre le populisme et la vulgarité que vous franchissez trop souvent. Ici, votre sobriété parle pour elle, et votre génie fait le reste. Vous êtes à votre place, juste à votre place.

La superbe Elena Anaya, avec sa grâce et sa douceur apporte la touche de féminité indispensable à ce genre de film, et nous fait penser à une Victoria Abril jeune, tantôt comblée, tantôt terrorisée, mais jamais faible.

Alors oui, A Bout Portant, évoque Melville, ou encore dans un registre plus contemporain, Olivier Marchal. Les scènes diurnes peuvent aussi répandre des effluves de John Woo, tandis que les passages les plus sombres nous ramènent au souvenir de chef d’œuvre tels Le Cercle Rouge. Pour exemple, je citerai la parfaite demie heure finale, durant laquelle Samuel et Hugo doivent pénétrer à l’intérieur du commissariat, aidés en cela par les gitans constituant en quelque sorte la « famille » de notre truand. Un modèle de tension progressive diluée dans un humour sous jacent, qui nous coupe le souffle à chaque rebondissement.

Mais là où Olivier Marchal à souvent tendance à forcer le trait et plomber une ambiance à l’extrême (MR 73 en est le plus parfait exemple), Fred Cavayé laisse son histoire se développer et ses acteurs jouer naturellement. Avec un montage rapide et au couteau – indispensable à ce genre de film – une succession de passages lents et menaçants avant chaque explosion de violence, le réalisateur joue avec nos nerfs et nous tient en haleine jusqu’au dénouement du film, noir forcément.

Alors non, le polar français n’est pas mort, il est, à l’instar de ses héros, bien vivant. Et si A Bout Portant réussit là ou Taken à lamentablement échoué, c’est tout simplement parce qu’il évite la surenchère, et qu’il tombe juste de par sa nature même.

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Commentaires
S
Merci du commentaire. En effet, tout n'est pas parfait dans ce film, c'est clair, mais il est tellement bien mené qu'on passe sur les deux trois détails un peu gros...
D
Bonjour, film bien fait qui ne vaut pas Pour elle. J'ai trouvé des invraisemblances dans le scénario: les flics ripoux dans leur propre commissariat, je n'y ai pas trop cru mais les acteurs sont tous excellents. Bonne après-midi.
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