MEGAN IS MISSING
Il en va des sujets délicats à traiter comme des histoires de famille qui fâchent. Il est nécessaire de les faire remonter régulièrement à la surface, sans tomber dans le pathos ou l'emphase pesante qui alourdit le propos et égare l'attention. Ceci demande une finesse d'élocution et de traitement, ce dont tout le monde n'est pas capable.
Avec seulement un long à son actif, l'inédit Voyeur, Michael Goi s'est lancé dans une vaste entreprise de mise en garde à l'attention d'une jeunesse insouciante persuadée que le danger, c'est d'abord d'accepter une vie de routine parfois pré dessinée par ses propres parents. L'école c'est chiant, la vie c'est chiant, et souvent, les seuls refuges pour ados en pleine crise de mal être sont les médias, quels qu'ils soient, et les rares vrais amis qui les entourent.
Amy et Megan sont des amies/confidentes aussi proches qu'elles sont différentes. La gentille et prude Amy vit au milieu de ses peluches préférées, sort au centre commercial, est encore vierge a 14 ans (ce qui peut sembler normal mais qui se fait rare de nos jours, malheureusement), et aime sa famille et sa belle maison. Megan est une écorchée vive extravertie, populaire, qui ne connaît pas son père et dont le beau-père est en prison. Nous saurons pourquoi un peu plus tard, lors d'une scène tragi-comique très percutante et troublante.
Mais sous le vernis d'une vie assumée et d'un comportement choisi, les deux adolescents cachent un profond mal être, et une personnalité bien plus complexe que ce que les premières minutes du film ne laissent croire.
La première demi heure de Megan Is Missing pourrait laisser croire à un spin-of de Beverly Hills 90120 mâtiné d'un esprit très subversif à la Skins. Les scènes de fêtes se succèdent, entrecoupées de conversation entre copines à la webcam. Les caractères se dessinent, et le glauque poisseux finit par s'installer et instaure un malaise. Accro à la coke, Megan se livre à un festival de prouesses buccales, qui culmine lors d'une scène de fellation dans une pièce crasseuse, en compagnie d'un loser/dealer détestable. C'est ainsi que naît la première cassure du film. Mais tout va basculer le jour où Megan, lasse de ces "amis" qui ne songent qu'à exploiter sa popularité, et de ces deals foireux avec des minables locaux, rencontre par l'intermédiaire d'une connaissance un dénommé "Josh".
C'est à ce moment là que l'histoire aborde son versant dramatique. Je ne vous révèlerai rien de plus.
Megan Is Missing, construit une fois de plus sur le modèle du "vrai-faux docu, inspiré réellement ou fictivement de faits réels", est un modèle de tournage à l'économie intelligent et dérangeant. Sorte de Hostel réaliste et noir comme la mort, il nous ballade de scènes anodines en dialogues pseudo "d'jneuz". Mais au contraire de nombreux autres films de ce type, il ne laisse aucune porte de sortie, aucun espoir auquel se raccrocher. Ce qui est d'autant plus logique que son propos est cruellement réaliste et désespérant. En ne tournant pas autour du pot, et sans adopter cette philosophie de la protection à tout va par un discours aseptisé, il montre, il décrit, sans jamais s'auto censurer, et de fait, devient très dur à regarder lors de sa demi heure finale. Non que l'horreur décrite soit trop graphique pour être assimilée (pas de débordements sanglants, rien de tape à l'oeil), mais en se basant sur le non dit, et surtout le hors champ, se permet des scènes d'une cruauté insoupçonnable, renforcées il est vrai par l'âge que sont censées avoir les protagonistes dans la pellicule. Ainsi, une scène particulièrement ignoble vous attend, avec une caméra fixe sur le visage d'Amy, que votre serviteur a du passer en accéléré pour pouvoir aller plus loin, même si un artifice de maquillage est venu un peu gâcher son impact. L'issue inéluctable de l'histoire se dessine assez tôt, et il n'est pas question de résolution de mystère ici, tout est clair dès le milieu du film et la disparition de Megan.
Avec deux jeunes actrices fabuleuses de naturel, une utilisation crédible et systématique des médias modernes, Megan Is Missing n'abuse d'aucun effet de manchette. Il énonce une situation existante, et digresse sur ses extensions éventuelles. Pour au final vous laisser sur une impression nauséeuse, avec des images atroces plein la tête (à ce titre, les deux photos de Megan, montrées à mi métrage sont traumatisantes, jouant sur l'alternance entre images animées et photos statiques pendant cinq secondes, Goi instaure un effet choc, pourtant élémentaire).
Que penser alors d'un film qui dénonce l'immoralité, la perversion, sans pour autant omettre de la montrer et de la juger? Tout simplement que ce genre d'oeuvre est indispensable et devrait à ce titre être projetée dans les collèges pour faire réfléchir la jeunesse d'aujourd'hui. Vous mesdemoiselles qui mettez sur vos blogs/profils/murs des photos de vous en maillot de bain, qui n'hésitez pas à décrire presque en temps réel votre parcours journalier, et surtout, qui parfois acceptez en ami des gens que vous ne connaissez même pas, sous prétexte que "Mais si, machine le connaît,elle m'a dit qu'il était cool!", regardez Megan Is Missing. Car le bel inconnu, si séduisant sur sa photo, si captivant par ses hobbies et passions, et surtout qui déclare avoir quinze ans comme vous, cache parfois un individu dont les motivations sont tout autres que celles qu'il veut bien vous avouer. Parfois, il peut même s'agir de votre voisin, la quarantaine, et des perversions plein la musette.
Megan Is Missing est un film coup de poing qui vaut bien des dizaines de claques dans la gueule. Et un des meilleurs avertissements qui soit sur les dangers et les dérives du net pour vos enfants. A quatorze ans on a la vie et l'inscouciance devant soi. Mais parfois, la mort vous attend au tournant pour ne pas avoir été assez vigilants.