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20 septembre 2013

THE CONJURING

the-conjuringNe tournons pas autour du pot. Aussi décevant soit il dans une certaine mesure, The Conjuring est un très bon film fantastique. Réalisé avec brio et sobriété, interprété à la perfection, agrémenté d’effets visuels et sonores efficaces sans toutefois occuper tout l’espace, décoré d’une photo délavée qui recréé les années 70 au détail près, il enterre définitivement Amityville et le relègue au rang de simple essai manqué sur l’intrusion du paranormal dans le cadre restreint d’une famille américaine unie. Une fois de plus, James Wan a fait le job, nous a divertis pendant près de deux heures, sans traîner en longueur ni trop manier l’ellipse. Un nouveau succès à mettre à son actif, après Saw, Dead Silence et Insidious. Mais…Car oui, il y a un mais. Depuis Saw, et son pitch génial qui a en quelque sorte (re)lancé la mode du « Torture Porn » conjointement avec le Hostel d’Eli Roth, on attend toujours beaucoup de Wan, et certainement trop. Il a prouvé avec ce jet initial, qu’il était capable de pondre un scénario sans failles, et de le mettre en scène de la façon la plus crédible qui soit, tout en gardant cette distanciation presque roublarde inhérente à tous les grands créateurs.

Mais depuis, on attend. On attend toujours le magnum opus d’un réalisateur surdoué, apte à nous foutre la trouille de notre vie en quelques plans de caméra. Et il faut admettre que l’attente devient longue. Mais on est toujours plus exigeant avec les gens qu’on aime.

 

Cela dit, comme précisé en début de chronique, The Conjuring reste un modèle du genre. Une relecture du cinéma des années 70 qui découvrait alors le paranormal et allait en truffer toutes ses saillies, avec plus ou moins de bonheur. Outre Amityville déjà cité, on pense à la vision du film de Wan au génial Trauma de Dan Curtis, ou au traumatisant et dramatique The Changeling de Peter Medak. Tout en gardant dans un coin de sa mémoire Insidious bien sur, et Dead Silence, qui, avec le petit dernier, pourraient former une trilogie imaginaire reliant le monde de l’enfance à celui d’outre tombe, avec son cortège de cauchemars, de pathos, de névroses et autres psychoses puériles.

 

Mais abordons le film en lui même. The Conjuring : Les Dossiers Warren comme son nom l’indique, nous raconte un épisode bien particulier de la vie/carrière de Lorraine et Ed Warren, couple d’enquêteurs du paranormal ou « chasseurs d’esprits », jusqu’à lors « occulté », de par son caractère trop effrayant. Contactés par Carolyn Perron, fraîchement installée avec sa famille dans une ferme du Rhode Island,  ils décident de mener une investigation pour se prononcer sur la véracité des faits décrits par cette femme, et si tel est le cas, d’exorciser les lieux pour les débarrasser de cette présence démoniaque. Car depuis quelques temps, cette famille sans histoire est la victime d’agressions d’une entité « visiblement » hostile, s’en prenant à eux psychologiquement et physiquement. Leur existence est devenue un enfer duquel ils souhaitent de tout cœur s’extirper, et après avoir assisté à une conférence du célèbre couple, la mère de famille décide de leur demander de l’aide, persuadés qu’ils sauront les aider dans leur quête. C’est ainsi qu’Ed et Lorraine acceptent non sans réserves d’explorer la maison et son passé, pour en extraire ses plus sombres secrets…Mais personne n’en sortira indemne comme vous vous en doutez…

 

La première chose à retenir de The Conjuring, c’est que le formalisme visuel et narratif peut devenir un formidable développement à condition d’être au service d’une histoire forte. Or une histoire forte, en termes de cinéma fantastique et d’horreur, c’est une intrigue simple, et des personnages épais et développés, auquel le spectateur peut s’identifier. Car le problème principal du cinéma horrifique de ces quarante dernières années, est d’avoir proposé bon nombre de films jetables, aux scénarii prétextes et aux héros/héroïnes passe-partout sans charisme aucun. Ce qui faisait la force de Saw, au delà de sa violence intrinsèque et graphique, c’est que les deux protagonistes avaient une fonction, une identité, que le spectateur était à même d’interpréter comme une issue possible quoique fort peu probable à sa propre existence. Et dans les deux longs suivants de Wan, on ne retrouvait pas cette promiscuité émotionnelle qui nous tenait tant à cœur. Promiscuité qu’il retrouve aujourd’hui grâce à The Conjuring, qui fascine bien plus par ses personnages que par son histoire, bien ficelée, mais classique.

 

A l’instar de l’insurpassable L’Orphelinat de J.A. Bayona, James s’est principalement concentré sur l’aspect tragique de son histoire, et bien évidemment, au couple Warren, véritable institution du paranormal aux Etats Unis. Sans surjouer du sempiternel « Ce film est inspiré de faits réels », tout en s’y rattachant, il se concentre sur la souffrance de ses protagonistes, leurs peurs, leur fragilité, et projette leur paranoïa vers nous, pour mieux nous en imprégner. Mais contrairement à son homologue espagnol, il a parfaitement équilibré le rapport drame/fantastique (il est vrai que les USA et l’Espagne ont un rapport tout à fait différent avec leur histoire et spécialement en ce qui concerne les enfants), et suscite autant la compassion que la terreur, même si celle ci reste à dose homéopathique. Sans jamais abuser des scare jumps (ceux qui s’en plaignent devraient quand même réaliser que sans ce procédé, faire un film d’horreur devient complexe…), Wan prend son temps pour installer un climat, et ne se retranche jamais devant les effets de manche gratuits.

 

Dans la peau de Lorraine Warren, Vera Farmiga est parfaite en médium fragile et au bord de la chute psychologique. De son regard bleu azur et d’un ton de voix doux mais assuré, elle prend en charge l’essentiel du ressort dramatique de l’œuvre, conjointement avec une Lily Taylor toujours aussi à l’aise dans la peau d’une femme fatiguée et perdue face à l’adversité. Les deux femmes sont le moteur même du film, et nous fascinent de par leur courage mêlé de terreur, dans un univers plutôt masculin n’admettant que très peu la nuance et la demi-mesure. Et il est si rare qu’un film fantastique de facture formelle laisse autant de place à deux personnages féminins aussi forts que fragiles.

Les enfants sont aussi toutes parfaites, essentielles bien sur car pivots même de l’intrigue puisqu’elles sont les cibles privilégiées de l’esprit malveillant qui possède la maison. 

 

En parlant donc d’identification (cadre familial médian, maison de banlieue adaptée, classe sociale intermédiaire, traits de caractères génériques mais développés), The Conjuring se place d’emblée dans la catégorie de films découlant du meurtre sauvage et inopiné de Marion Crane dans Psychose. En laissant le spectateur rentrer dans la peau des personnages, Wan nous fait entrer dans son film, et habiter sa maison. Et donc, à contrario de films « immédiats » comme Vendredi 13, The Grudge ou plus généralement 99% de la vague des slashers et films de fantômes asiatiques, il parvient à nous impliquer en nous laissant croire que ce genre de mésaventure pourrait nous arriver. Ainsi, dans la forme et le fond, The Conjuring est inattaquable. Il implique, évolue sans se disperser, distille des moments de terreur sans jamais tomber dans l’emphase, inquiète, rassure, caresse dans le sens du poil tout en réservant quelques surprises. Avec une réalisation dans la norme, sans cadrage fantaisiste (le personnage concerné est toujours au centre de l’action), une utilisation de la musique efficace, des effets sonores présents mais pas envahissants, des SFX honnêtes et qui auraient pu être utilisés il y a trente ans, et une photographie un peu délavée aux couleurs modérées, The Conjuring reste une œuvre emprunte de classicisme bienvenu et adapté à sa narration. Rien donc à lui reprocher du point de vue d’un public lambda, amateur de films d’horreur de façon ponctuelle.

 

Pour les autres – car il y a forcément quelque chose qui ne va pas – les choses apparaissent sous un angle différent. Car James Wan, pour les initiés, est un des rares réalisateurs US à pouvoir sortir un véritable chef d’œuvre si l’envie lui en prend. Et si son film résume à la perfection tout un pan cinématographique de ces quarante dernières années, il n’est justement que ça. Agréable, sans conteste, mais bien en deçà de ce que l’on est en droit d’attendre de lui.

Tout comme Dead Silence et Insidious, qui s’ils citent leurs sources avec une liberté de ton propre au réalisateur, ne savent pas s’éloigner des sentiers battus et restent des travaux mineurs. Mais The Conjuring franchit un cap, au niveau ambition, et laisse présager du meilleur pour l’avenir. Car même si le film a été « survendu » en terme de terreur grâce à des accroches marketing savantes et des critiques partielles et partiales, il reste et restera une pierre angulaire du genre et réhabilite vingt ans d’histoires de maisons hantées bâclées qui avaient presque enterré le genre.

 

Le reproche principal que je puise formuler, est que Wan a - au contraire de Sinister - un peu trop collé au « politiquement correct » pour garder l’estampille « famille », et n’a pas su instaurer le climat poisseux qu’on est en droit d’attendre d’un tel jet. Si l’aspect « réalité » est une des clés de son travail ici, il a choisi la promiscuité et le rapprochement, contrairement à l’énorme The Changeling qui lui jouait beaucoup sur le vide et les espaces négatifs (ce qui peut paraître logique puisque les deux films s’opposent complètement au niveau du « volume » familial mais aussi de la classe sociale de ses protagonistes), et qui du coup, accentuait la peur par l’utilisation de la pénombre et des recoins inexplorés. Et donc, la déception est d’autant plus grande, car lorsqu’on vient chercher sa dose de trouille et qu’on repart plus ou moins bredouille, alors le résultat est faussé et la déception pointe le bout de son nez, aussi réussi que soit le film.

 

Il n’en reste pas moins que si vous souhaitez passer un très bon moment en regardant un film solide et crédible, The Conjuring est parfait. Il vous en apprendra un peu plus sur un couple atypique de l’histoire américaine, qui méritait bien une telle tribune au regard du nombre d’années passées à traquer les preuves d’une existence surnaturelle. Nous n’avions jusqu’à présent qu’Amityville à nous mettre sous la dent, et la barre est montée d’un cran avec James Wan.

Ce qui n’est que justice, au regard de la vie passionnante qu’on pu avoir ces deux héros malgré eux de l’inconnu.

 

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