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Sickboy Moviez
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22 mai 2014

THE SPECTACULAR NOW

specnow revised_PROMOLes coming of age movies sont un style à part entière qui ne tolère pas la médiocrité. Et pourtant, bon nombre d’entre eux oscillent entre le franchement mauvais, calqué sur les romans photos qu’on trouvait dans les magazines des années 80, le moyen qui use de ficelles et de code usés jusqu’à la dernière fibre, et le très bon, plus rare, car il demande une finesse d’écriture et un réel amour de l’adolescence qu’on ne trouvait que chez John Hughes par exemple.

Car qui n’a jamais rêvé d’une jeunesse idéale ? Et qui n’aimerait pas retrouver cette insouciance, cette fraîcheur, cette absence de contraintes qui n’émergent plus que lors d’instants fugaces à l’âge adulte, moments que nous manquons parfois, faute d’avoir su rester jeune, quelque part.

 

C’est ce genre de voyage que nous propose aujourd’hui James Ponsoldt, avec The Spectacular Now. Et le voyage est tout bonnement merveilleux.

 

Sutter, jeune lycéen en terminale est ce qu’on appelle aux USA un « Life and death of the party », élève/pote/modèle sans qui aucune fête n’est réussie, qui met de l’ambiance, qui est drôle, populaire et qui sort avec une jolie fille, Cassidy. Pas le sportif borné (jock), pas l’intello option numérique (geek), non, juste un mec simple, sympa, qui se met tout le monde dans la poche et qui assure, comme il peut, avec naturel.

Mais Sutter à un problème. Il boit. Pas comme un lycéen lambda non, comme un alcoolique, un vrai, qui se balade avec une flasque et qui pimente la moindre de ses boissons de vapeurs éthyliques. Alors, le jour où il se fait planter par sa copine qui lui reproche son manque de perspectives, il arrose la nouvelle encore un peu plus, et se retrouve bourré comme un coin. Le lendemain matin, sa gueule de bois est interrompue par une jeune fille, Aimee, qui le réveille en plein milieu d’une pelouse inconnue.

 

Aimee, c’est la girl next door typique, un peu out, qui lit des mangas, s’intéresse à la science fiction, et sur laquelle les garçons ne se retournent pas. Une gentille fille, dans le sens le plus noble du terme, qui fait ce qu’elle peut pour s’en sortir, sans rien demander à personne, et qui compte bien concrétiser ses envies et ses ambitions.

 

A priori, tout sépare les deux adolescents. Et pourtant, dès la minute ou Sutter va communiquer avec Aimee, une étrange alchimie va naître, une fusion improbable qui va les rapprocher, les unir, au point que chacun va déteindre sur l’autre, lui apportant une partie de qu’il lui manque. Mais le chemin de la vie est si tortueux que les obstacles vont se lever un par un, et la gestion de leur avenir n’en étant pas le moindre. Et l’impact que leur aventure commune aura sur eux éclaboussera même leurs proches, transformant à jamais les vies de chacun. Ou presque.

 

Sur un scénario signé Scott Neustadter ((500) Days of Summer, excellent) et Michael H. Weber (même chose, brillant), adapté d’un roman de Tim Tharp, James Ponsoldt tisse une toile de jeunesse particulièrement pertinente et tendre, cruelle et amère, qui se pose non seulement en histoire d’amour juvénile, mais aussi en postulat antérieur d’une vie que l’on a pas encore vécue, mais qu’il faut affronter en découvrant la vérité sur son passé et l’implication de ces découvertes sur son avenir. Dans The Spectacular Now, personne n’est épargné, ni ceux qui ont caché des secrets, ni ceux qui les découvrent. Mais ce qui est fabuleux en premier lieu, c’est cette dichotomie sur l’importance de l’immédiat et le caractère fondamental d’une préparation à l’avenir. Car si au départ, cette opposition est clairement marquée entre les deux personnages (voire trois) principaux, elle s’estompe petit à petit, et la personnalité des protagonistes devient plus nuancée, moins tranchée, pour finalement donner naissance à deux nouvelles entités, comme deux papillons émergeant de leur chrysalide.  

Pour parvenir à ce résultat confondant d’évidence et de naturel, Ponsoldt a confié les rennes du voyage à deux acteurs fabuleux, qui incarnent leur personnage avec un naturel sidérant. Dans la peau de Sutter, Miles Teller, déjà vu dans Projet X et le remake foireux de Footloose. Dans la silhouette gracile d’Aimee, Shailene Woodley (The Descendants). Deux acteurs qu’on retrouve d’ailleurs de concert au générique de Divergente, la nouvelle saga pour ados.

 

Individuellement, leur performance ne supporte aucune critique, tant leur caractère formel est personnalisé avec conviction, et leur évolution avec crédibilité et subtilité. Ensemble, ils incarnent le couple d’ado idéal, aussi fusionnel que disparate, aussi attaché que libre. Les scènes dans lesquelles ils évoluent sont des moments de grâce et de lumière poétique intense qui réveille chez l’ado qui est en nous des souvenirs de lycée, de baiser sucrés, et d’émotions primales.

Si la spontanéité du premier éclate à chaque seconde par sa sobriété et son émotion, la candeur de la seconde qui se métamorphose en lucidité macule l’écran d’une pellicule teintée aigre douce, qui nous ramène à l’insouciance de notre jeunesse. Rarement couple de jeunes acteurs aura aussi brillamment illustré le passage de l’adolescence à l’âge adulte, en restant aussi juste et suffisamment évasif.

 

Dans le rôle de Cassidy, Brie Larson confirme qu’elle est une actrice de premier plan, conclusion établie après la vision du magnifique Short Term 12, chroniqué en ces colonnes. Si son personnage semble de prime abord secondaire, son incarnation à la limite de la bipolarité (exigée par le personnage) la replace au centre du débat, tant les séquences la concernant sont touchantes.

 

Mais sans le talent énorme de réalisateur/conteur de James Ponsoldt, qui a cherché l’authenticité au plus profond des endroits chéris de son enfance (certaines scènes se passent en effet dans les lieux où lui même à grandi à Athens en Georgie - la ville de R.E.M., dont la musique aurait pu sans problème servir de bande son au métrage) , l’ensemble serait bancal, et manquerait de cette touche de nostalgie sans fard qui rend le film si unique. Car James, outre le choix d’une photographie aux couleurs vertes et orangées d’un été naissant, à choisi de filmer l’adolescence comme elle doit l’être, sans en rajouter, sans appuyer ni sur le drame, ni la comédie. Les fêtes sont filmées sans excès, l’intimité d’une chambre de lycéenne avec ce qu’il faut de pudeur, la liberté profite des grands espaces et des routes, tandis que les émois d’une première union charnelle sont retranscrits avec la maladresse inhérente à cet acte naturel.

 

Si le drame prend souvent le pas sur la comédie, la demie teinte est l’arme maîtresse du réalisateur. Le problème d’alcoolisme de Sutter est traité avec finesse, et trouve sa racine dans la redécouverte d’un père absent, qu’il croyait victime de l’ire de sa mère. Mais une fois de plus si la tristesse pointe le bout de son nez, elle est retenue dans un cocon de non-dits qui propulsent le film dans une dimension supérieure. Personne dans ce film n’est blanc ou noir, mais tout le monde semble avoir quelque chose à découvrir, pour enfin se compléter. Notons l’encadrement familial impeccable de nos deux héros, qui confirment cette théorie, avec en exergue une trop rare Jennifer Jason Leigh sublime en mère de famille dépassée par la vie mais qui fait ce qu’elle peut, un Kyle Chandler parfait en père démissionnaire et instable, et une toujours superbe Mary Elizabeth Winstead en grande sœur un peu collet monté, mais qui finit par révéler son vrai visage, à fleur de peau.

 

The Spectacular Now est finalement une dichotomie lui aussi, en tant que tel. C’est en effet un film spectaculaire, sur l’instant et le permanent, qui l’est au final par son refus des grands effets. C’est une œuvre profondément humaniste, qui ne donne aucune leçon. C’est une histoire qu’on aurait aimé vivre, et que nous avons vécue, à notre façon. C’est un conte qui se voit de l’extérieur et qui s’aime de l’intérieur. C’est une envie furieuse de retourner en arrière, mais c’est aussi la volonté d’assumer ce que l’on est, une fois arrivé à l’âge adulte.

 

C’est une façon merveilleuse de dire que nous avons le choix. Le choix d’être nous même, mais aussi celui que l’on veut, et surtout, celui que l’on peut. 

Et que nul but n’est hors de portée, à condition de savoir se donner le temps.

 

C’est un spectacle extraordinaire, maintenant. Mais qui le sera toujours dans 10 ans.

 

THE SPECTACULAR NOW Bande Annonce Francaise VOST

 

 

 

 

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