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Sickboy Moviez
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20 juin 2014

JOE

joeRetrouver un grand acteur que l’on a admiré par le passé est toujours un don du ciel…Et Dieu sait si j’ai adulé Nicolas Cage, à cause de ses interprétations hors norme, sons sens de la démesure, sa façon de faire passer des émotions d’un simple regard…Je veux dire, merde…Quand il joue l’exubérance, il devient une icône Internet pour l’éternité,  et lorsqu’il personnifie la tristesse, il vous colle la chair de poule. Ce mec est capable de tout jouer et de s’en sortir avec brio…

Alors, je dois avouer que je suis content. Nicolas, je ne sais pas si tu as fini de payer ton retard d’impôts, mais j’en avais vraiment ras le bol de te voir faire le clown dans des séries B pitoyables, arborant des postiches qui auraient même fait rire Bernard Darniche…Tu méritais tellement mieux que ces costumes de héros au rabais, conduisant des grosses voitures ou des motos surpuissantes. Parce que tu es grand Nicolas, tu l’as prouvé dans le Face Off de John Woo, dans la peau du Yuri de Lord of War, dans le sous estimé 8mm, dans Family Man, dans le sublime Leaving Las Vegas, dans l’acharné Sailor et Lula…Tu es grand, très grand…Alors, lorsque je suis tombé l’année dernière sur le bon The Frozen Ground dans lequel tu formais un duo fabuleux avec John Cusack, j’ai recommencé à espérer. Et j’ai eu raison, puisque aujourd’hui Joe entérine ton retour définitif avec un panache incroyable.

 

Tu avais besoin d’une histoire comme ça, simple, crépusculaire, pour signer ton comeback artistique. C’est le genre d’ambiance qui te sied, dans laquelle tu peux exprimer toute l’étendue de ton talent. Certes, le film n’est pas exempt de défauts, dont je parlerai un peu plus tard, mais ton interprétation est extraordinaire. Une fois de plus, tu incarnes avec justesse un personnage brisé, qui pourtant continue d’y croire, et qui arpente les chemins de la vie la mine basse, le poing serré et le geste parcimonieux.

 

Joe est l’adaptation d’une nouvelle de Larry Brown du même nom. C’est comme je le disais, une aventure épurée, un parcours d’hommes qui rencontrent et affrontent d’autres hommes, pour survivre dans un milieu particulièrement difficile,  celui d’une petite ville paumée des Etats Unis dans laquelle la misère ronge tout, et tout le monde. Nicolas Cage dans le rôle titre, est un ex-détenu, employé comme contremaître d’un gigantesque chantier d’empoisonnement de pins, pour lequel il gère une équipe bossant avec des produits toxiques, de l’aube au crépuscule. Joe essaie de faire sa vie, non sans faire de vagues, à cause du ressentiment qu’il éprouve envers la société, et surtout les représentants de l’ordre. Il côtoie des losers à longueur de journée, des putes, des flics, il fume énormément, boit, en gros, erre dans un milieu interlope au milieu duquel il tente de surnager, non sans mal.

Un matin, un gamin s’avance vers lui, impressionné par sa façon de maîtriser une vipère. Une conversation s’engage entre eux deux, et Joe finit par l’engager, convaincu qu’il fera du bon travail, mais aussi qu’il a réellement besoin d’un coup de main, et pas seulement financier. En effet, la famille de Gary semble tout droit sorti d’un roman de Victor Hugo, avec une mère droguée et démissionnaire, un père à demi clochard, alcoolique et violent, et une petite sœur enfermée dans sa solitude et son mutisme. Le jeune garçon fait ce qu’il peut pour protéger sa mère et sa sœur de la violence paternelle, et veut s’en sortir à tout prix. Sa rencontre avec Joe lui offre une porte de sortie, une bouffée d’oxygène tant cet homme dur mais juste représente pour lui l’image d’un père idéal qu’il n’a jamais eu. Mais le destin, très revanchard va s’acharner à déjouer les plans d’avenir de Gary, et semer un tas d’embûches sur la route de Joe. Le voyage initiatique du premier symbolisera la catharsis du second, et l’issue de cette histoire aura des répercutions sur tous, sans que personne ne puisse rien y faire…

 

Avec ce film, et après l’excellent Prince Of Texas, David Gordon Green semble revenir à ses premières amours dramatiques. Bien loin de sa « triplette pochade » (Délire Express, Votre Majesté, Baby Sitter Malgré Lui), Joe lui fait franchir un nouveau cap, tant il laisse de côté la comédie douce amère pour plonger dans le cœur du drame le plus sordide. Dire que Joe appuie sur la noirceur de toute son âme est un doux euphémisme. A côté de lui, les oeuvres de Ken Loach ou d’Ingmar Bergman respirent la joie de vivre, l’espoir, et ressemblent à des contes de fées sortis tout droit de l’imaginaire coloré d’une jeune fille en fleur. Si la réalisation à l’épure nécessaire au traitement idoine du sujet, l’aridité de la photographie, la bande son sèche et lancinante, la démesure des décors sauvages opposée au cloisonnement des logements familiaux confèrent au film un parfum de pauvreté, d’isolement, de solitude si tangible qu’il en devient presque palpable.

 

Sans tergiverser, Joe est bien sur de par son sujet un film d’hommes. Les personnages féminins sont quasiment tous faibles, abandonnés, sans épaisseur, et ne servent que de  justification aux comportements masculins souvent violents et sans compassion. Par extension, Joe est inévitablement un film « performance », en ce sens que les acteurs portent à eux seuls le poids de l’histoire, sans échappatoire, sans artifices de mise en scène, sans recul. Et à ce petit jeu, ils sont tous extraordinaires.

 

Dans les deux rôles phares, Nicolas Cage et le jeune Tye Sheridan sont tout simplement bluffant. Si le talent de Nicolas était une évidence bien avant la sortie de ce film, Tye valide tout le bien que je pensais de lui après sa performance incroyablement touchante dans Mud, même si les deux personnages qu’il incarne sont très similaires. Et leur jeu est d’autant plus remarquable que la personnification de leur duo est une trame vieille comme le monde. Les relations entre un père spirituel et son fils « d’adoption » ont en effet connu des centaines d’adaptations, littéraires et/ou cinématographiques, et il est difficile d’y apporter un regard nouveau. Pourtant, Nicolas et Tye y parviennent sans problème, transcendant le caractère classique de leur histoire par un choix d’interprétation alternant la sobriété et l’ultra violence. En effet, ne le cachons pas, si sa patine dramatique est très épaisse, Joe est aussi d’une violence très soutenue, qu’elle soit graphique ou orale. C’est certes un parti prix osé de la part de Gordon Green, qui risque à chaque instant de tomber dans le pathos poisseux, mais c’est un pari quasiment réussi puisque la frontière délimitant le territoire du misérabilisme forcé n’est franchie qu’en de très rares occasions.

Les accès de fureur ne sont jamais gratuits, et David à le don de les induire de manière logique dans un long crescendo de tension qui finit par littéralement exploser face à la caméra. Il construit son film de manière très intelligente, en calquant sa réalisation sur la variation des émotions de Joe, qui essaie tant bien que mal d’enfouir sa haine au plus profond de lui. Sans toujours y parvenir.

 

Si les seconds rôles sont la plupart du temps anecdotiques, soulignons avec admiration l’hallucinante composition de Gary Poulter en père ivrogne, violent et pathétique. A ce niveau de personnification, il devient difficile de croire qu’un acteur puisse incarner avec autant de naturel un être abject, dont le comportement erratique le confine autant au ridicule qu’à la terreur la plus totale. Alternant les incarnations grotesques (la leçon de break dance fin saoul assis par terre) et les séquences d’agression impitoyables (la raclée infligée au pauvre SDF, celles données à son propre fils), Gary transcende les traits de son personnage à outrance pour livrer une prestation qui laissera un souvenir profondément ancré dans votre mémoire. Rarement personnage n’aura été aussi haïssable, et incarné avec autant de justesse sans jamais en faire trop ou paraître hors jeu. Certes, le fait que Poulter soit un véritable SDF casté et recruté pour le film justifie son authenticité à l'écran, mais être et paraître sont deux choses bien différentes.

 

Mais le grand vainqueur de ce tournoi sordide reste bien sur Nicolas Cage. Si Roger Moore (non, pas celui là…) de Movie Nation a écrit, je cite :

 

 « Joe est un film qui vous rappellera à quel point Nicolas Cage était bon et peut encore l’être », il ne s’agit en aucun cas d’une formule à l’emporte pièce, mais bien d’un jugement de valeur objectif. Nicolas traverse ce film comme Joe traverse sa propre vie, avec courage, indignation devant l’injustice, colère et violence devant l’adversité, tristesse face à l’inéluctabilité de son destin. Je n’ai jamais vu une telle justesse dans l’expression de la tristesse chez un autre comédien. Nicolas n’est jamais hors cadre, et si lors d’une scène aussi touchante que drôle (lorsqu’il apprend à Gary l’incarnation faciale du « rire de la tristesse » pour avoir l’air cool avec les filles) il fait du Nicolas Cage, c’est qu’il est une trademark à lui tout seul, le seul capable de vous filer la chair de poule avec son air de chien battu. Souvenez vous de ce plan final dans 8mm, lorsque Tom Welles sourit à sa femme qui le regarde par la fenêtre. Je sais que certains ne comprendront pas, mais pour moi Nicolas est le seul à pouvoir faire passer autant de choses avec une simple expression, et vous faire comprendre toute l’adversité d’une vie difficile en une fraction de seconde. La joie de le retrouver dans la peau d’un personnage comme celui de Joe est proportionnelle à la peine de l’avoir vu cachetonner dans des films minables, affublé de postiches improbables…

 

Alors, évidemment, vous pourrez ne pas être touché par l’histoire. Vous pourrez rester indifférent au sort que subissent les personnages. Vous pourrez trouver ça convenu, excessif, trop emphatique ou décharné, trop linéaire et statique dans l’illustration. Moi j’y ai vu ce que j’ai bien voulu y voir. Une histoire que je sais vraie, pour avoir connu des cas aussi désespérés, pour savoir que telle réaction à telle situation est justifiée et logique. Mais j’y ai surtout vu le passé, le présent et l’avenir. Pour Nicolas et Tye. Les deux.

 

Merci Nicolas de me donner raison de t’aimer et de croire en toi. Finalement, après toutes ces années, tu es plus qu’un simple acteur pour moi.

Tu es devenu comme un ami.

 

Joe- Bande-Annonce (VOST)

 

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