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26 novembre 2014

THE TAKING OF DEBORAH LOGAN

The Taking of Deborah LoganIl semblerait qu'un style, après des années de disette et de répétitions puisse renaître de ses cendres...Alors qu'on pensait que le Found Footage avait dit tout ce qu'il avait a dire, et était condamné a rester moribond encore quelques années avant de disparaître, une poignée de réalisateurs plus malins que la moyenne lui ont injecté du sang neuf, en comprenant un principe de base : on ne fait pas un bon film sans une bonne histoire. Trop de tâcherons avaient exploité le genre comme un but et non un moyen. Mais voilà, aussi novateur que soit le principe, il devient vain lorsqu'il sert une absence d'histoire. Si Blair Witch avait tant foutu la trouille, c'est que le procédé était nouveau certes, mais aussi parce que les acteurs étaient fabuleux dans leur improvisation, qu'ils ne simulaient pas la peur, mais l'éprouvaient de par la technique de mise en scène choisie. Et à force d'isoler des acteurs toujours plus pathétiques dans de vieilles maisons, des hangars abandonnés ou des bois, les créatifs avaient fini par perdre leur public en route, en même temps qu'une inventivité inexistante. Et le FF connaissait alors le même sort que le Slasher ou que les films de zombies des années 80. Il n'existait plus que par lui même, en tant que tel, et devenait l'objet d'un allant, et non plus un moyen d'illustrer des contes horrifiques.

 

Mais comme d'habitude, on pouvait compter sur quelques inventeurs moins fainéants pour faire rebondir les choses. Certes, de temps à autres depuis 1999, surgissait une petite perle, mais il faut avouer que le gros de la production restait en terrain balisé, et ne tentait rien. On se contentait du lot de scare jump habituel, de la course poursuite finale, et de quelques pauvres trouvailles qui n'illuminaient en rien la pénombre du vide créatif. Faire peur d'accord, mais pour faire peur, il ne faut pas se contenter de quelques pièces mal éclairées et d'une caméra introspective qui filme...dans le vide. Mais après le très bon As Above, So Below (Catacombes) sorti cette année, une nouvelle petite production vient tenir la dragée haute à bon nombre de grosses sorties des studios (le pitoyable Annabelle en étant l'exemple le plus risible), et redonner un peu d'espoir. Et ce, le plus simplement du monde, à l'aide d'un scénario solide, d'effets simples mais placés là où il faut, et surtout, une interprétation hors pair digne des plus grands drames horrifiques de l'histoire.

 

The Taking (The Taking of Deborah Logan) suit une équipe de tournage, menée par la jolie Mia qui boucle ainsi sa thèse de fin d'études médicales consacrée à la maladie d'Alzheimer. Elle rentre en contact avec Sarah, fille de Deborah atteinte de cette affliction, qui en est aux premiers stades de la pathologie. Après un refus, Déborah accepte de laisser ces étrangers envahir son quotidien, rassurée par leurs intentions. Le fait est que Déborah et sa fille ont aussi besoin d'argent, ce qui représente un argument non négligeable à l'heure où elles ont du mal à payer leurs factures. Ainsi, Mia, Gavin et Luis observent Déborah et Sarah vaquer à leurs occupations routinières, qui se partagent entre le jardinage avec Harris, un ami de la famille, la peinture, et tous les petits gestes qui demandent beaucoup d'efforts et d'abnégation de part et d'autre. Mais l'état de Déborah semble empirer très rapidement. Son comportement prend des contours de plus en plus erratiques, sa violence la pousse à agresser les membres de l'équipe, et ses crises de somnambulisme se transforment en un mélange de catatonie nocturne et de dérives psychologiques qui inquiètent tout le monde. Et lorsque Déborah commence à manifester des signes ne découlant plus naturellement de son état, l'inquiétude se transforme en terreur pure...Est elle seulement malade, ou quelque chose de beaucoup plus sombre et inexplicable la contrôle elle? Après quelques recherches dans les papiers et souvenirs de la vieille femme, il semblerait que son passé soit intimement lié à des évènements tragiques ayant bouleversé la ville des décennies auparavant...

 

Tournée en Caroline du Nord, The Taking bénéficie d'un cadre idéal. Une maison bourgeoise typique du sud des Etats Unis, un petit sous bois charmant en journée mais suffisamment intrigant la nuit, et surtout, des dédales de couloirs, et une multiplicité spatiale qui permet à l'action de rebondir sans cesse. Là est sa première force, d'avoir permis à l'histoire d'exploiter suffisamment de contextes pour ne pas s'essouffler dès la première demie heure. Même si la pose de caméras de surveillance assez tôt dans le film fait craindre une énième démarcation de Paranormal Activity, nous nous apercevons assez vite que le réalisateur à bien plus de choses à dire et à montrer que de simples apparitions fantomatiques le long des couloirs sombres d'une propriété. Au gré du film, nous passerons bien sur des multiples greniers bizarres de la maison, à une chambre d'hôpital, avant de finir dans une mine glauque, le tout mené de main de maître par un artisan qui connaît son boulot.

 

Au delà du pitch en lui même, propice à une narration cohérente, c'est surtout l'interprétation qui fascine. La caractéristique majeure de ce style de cinéma, à l'instar des productions fast n'cheap des années 80/90, est de laisser libre cours aux émotions approximatives et prévisibles d'acteurs le plus souvent en roue libre et peu inspirés, servis par des dialogues convenus et des attitudes incohérentes. Rien de tout cela ici. Le talent du réalisateur est d'avoir projeté son film comme un drame tombant dans l'horreur, et d'avoir confié les personnages à des artistes au sommet de leur art. Convaincant, ils le sont, sans conteste. Et saluons d'entrée l'hallucinante performance de Jill Larson dans la peau flétrie de Déborah Logan. Inutile de le nier, c'est elle qui porte quatre vingt dix pour cent du film sur ses frêles épaules. Elle habite avec un talent incroyable le corps malade de Déborah, et explose chaque scène de sa présence tantôt terrifiante, souvent émouvante, parfois intrigante, comme le faisait Linda Blair en 1973, lorsqu'elle vomissait sa bile à la face d'une Amérique bien pensante. Et le parallèle avec l'Exorciste est loin d'être anodin. Pour être clair, voyez The Taking comme un mélange bluffant de dextérité entre la légende urbaine de Blair Witch, la terreur progressive et déviante de The Last Exorcism, et les allusions ésotériques de Devil Inside, le côté démonstratif en moins.

 

Si les scènes de terreur pure sont rares, elles sont exploitées à merveille et tombent toujours là où il faut. Bien que certaines soit assez classiques, elles sont distillées avec intelligence, et renforcent l'aspect dramatique du film. Car même si celui ci est bien évidemment traité sous l'angle du film d'horreur, c'est son aspect humain, sa description de la misère quotidienne qui permet une emphase soudaine sur la peur, peur qui strie de ses fulgurances une routine devenue très difficile à supporter, et dont on devine sans peine l'issue tragique et inévitable. Sauf que cette issue n'est pas forcément celle que les personnages avaient prévue. Encore une fois, toute la pertinence de la démarche artistique d'Adam Robitel est d'avoir sciemment scindé son oeuvre en trois parties. La première n'est rien de plus qu'un faux documentaire médical assez terne, puis, nous nous rapprochons des personnages, qui prennent de l'épaisseur, et à qui on s'attache, surtout Déborah et Sarah, mère et fille qui semblent avoir des relations étranges et tendues. Et soudain, par petites touches au préalable, puis en torrent d'une façon abrupte, l'horreur s'ingère dans la succession d'évènements qui n'ont plus rien d'anodins, prenant le spectateur à rebrousse poil. En première ligne, la transformation physique et psychologique de Déborah. De femme d'un certain standing, tirée à quatre épingles, elle évolue vers une harpie dont les souvenirs ne sont plus aussi enfouis qu'il n'y parait, et se transforme brusquement en psychopathe indirecte (je ne peux en dire plus sous peine de vous gâcher la surprise) dotée d'une force surhumaine, qui semble poursuivre un but dont l'origine remonte à des bien des années...

 

Niveau réalisation, Adam fait le job avec un mélange de classicisme et de petites idées sobres mais bien senties. Si le cahier des charges est respecté (caméras cachées, équipe de tournage hétéroclite, décor labyrinthique), il évite le piège de la séquence statique qui dure des heures pour ne pas montrer grand chose, et surtout, ne tombe pas dans le panneau systématique de la shaky cam insupportable, qui tremble et se consume pour permettre des ellipses bienvenues, masquant la pauvreté des idées. Bien sur, The Taking est une première oeuvre, et montre encore quelques maladresses (certains personnages encore un peu stéréotypés parfois, rebondissements prévisibles par moments), mais son rythme haletant et ses constantes ruptures avec la réalité nous entraînent dans un tourbillon qui nous happe assez rapidement pour ne plus nous lâcher pendant quatre vingt dix minutes. Sa bonne santé en tout cas fait plaisir à voir, et redonne foi en un style qu'on n'en finissait plus de voir plonger des les affres des stéréotypes tous plus pathétiques les uns que les autres.

 

Et outre l'interprétation encore une fois parfaite de Jill Larson et Anne Ramsay (elle aussi parfaite en fille au bout du rouleau qui reste auprès d'une mère pas toujours facile à vivre), The Taking peut se voir comme une synthèse parfaite de quinze ans de Found Footage, tant il en résume à lui seul quasiment toutes les thématiques déjà abordées, en éliminant les scories, et en insufflant un réalisme dramatique bienvenu au milieu de codes externes un peu trop systématiques. Une bonne histoire, un bon traitement, et une accroche au réel feront toujours plus peur que des vulgaires apparitions ectoplasmiques au coin d'un bois...  

 

The Taking of Deborah Logan Official Trailer #1 (2014) - VO

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