Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Sickboy Moviez
Archives
6 août 2011

La Comtesse

la-comtesseDire que je n'attendais rien ou pas grand chose d'un nouveau film de et avec Julie Delpy est un euphémisme. Certes celle ci avait animé bon nombre de pellicules que j'affectionnais ("La Passion Béatrice", "Killing Zoe", "The Voyager"), mais il me fallait admettre que ses propres réalisations ne brillaient guère par leur sens de l'innovation ou d'une quelconque prise de risques.

C'est donc pour ceci et celà que La Comtesse fut une très bonne surprise. D'une part de par le choix de son thème (La comtesse Bathory reste depuis la nuit des temps un des sujets les plus prisés mais aussi les plus casse gueule du cinématographe), mais aussi par son traitement, aussi sobre par moments que franchement brutal lorsqu'il le fallait. Il est vrai qu'essayer de retracer une fois de plus l'histoire d'Erzsebet la Comtesse Rouge semblait plus ou moins une tentative vaine, mais Delpy s'en sort haut la main grâce à une violence sous jacente permanente qui explose dans des accès de rage et de violence incontrôlée.

Son interprétation habitée, qui alterne des moments de rare douceur, des répliques caustiques (sa réponse à l'éveque catholique est à mon sens un des moments les plus piquants du film, "Oui, je suis une femme , et j'aime les jolies robes et les bijoux en or, tout comme vous Monseigneur"), et des instants débordants de rage (à voir la scène ou elle défigure sa servante à coup de brosse à cheveux) est un sommet et prouve à quel point elle est une actrice rare et précieuse. Secondée en cela par des seconds rôles aussi indispensables qu'impeccables, avec un William Hurt impressionnant de cruauté verbale et d'intrigues psychologiques, une Anamaria Marinca splendide en servante, gérante, amante se consumant d'amour pour sa maîtresse (sa mort reste un moment très émouvant), et Daniel Brühl touchant de naïveté et qui décidément sait parfaitement choisir ses rôles.

Avec une mise en scène patiente traversée d'éclairs de violence fulgurants, des costumes splendides mais sobres, et une photographie qui sait juxtaposer le grandiloquent et le putrescent, conférant en cela au film une impression de décadence sourde et inéluctable, et un refus de tomber dans le grand guignolesque (et pourtant, Dieu sait si le sujet permet tous les débordements), La Comtesse touche le centre de la cible, et mixe avec un flair incroyable les ficelles du film historique cruel et la trame d'un drame sombre et désespéré. Et pourtant, La Comtesse, au delà de la légende qu'elle illustre, reste une splendide histoire d'amour qu'aura vécue une femme en ayant été privée dès son plus jeune âge et qui la mènera à sa perte. Delpy ne cherche pas a expliquer, ni à décortiquer, elle s'approprie la fable et la fait sienne, avec une douceur et une délicatesse le confinant au suranné déchiré. Foin du folklore local et/ou mondial, elle ne cherche pas à dénaturer l'histoire, mais à l'agrémenter d'une facette différente, et de fait force le spectateur à éventuellement revoir son jugement, sans pour autant l'influencer. Son utilisation des miroirs la place en parallèle bien sur avec Le Portrait De Dorian Gray, et sa course contre le temps et la vieillesse la rapproche du Mythe de Faust, avec pour Méphistophélès sa propre soif de jeunesse.

Si la mythologie et le folklore rural l'ont placée au même rang que Vlad Tépès, la véritable histoire de la Comtesse Bathory n'éclatera jamais au grand jour. Avec un procès bâclé et dicté par l'avidité et la jalousie, et des témoins torturés ou achetés, il est clair que la légende surpassera toujours les faits avérés, peu nombreux et d'une véracité discutable. Alors rendons hommage à Julie Delpy d'en avoir tiré sa propre interprétation, et d'avoir livré un film juste, tantôt touchant, tantôt effrayant, sans jamais tomber dans le pathos ni la surenchère.

Publicité
Publicité
Commentaires
B
Julie Delpy a réalisé une oeuvre splendide, en évitant habilement l'étalage glauque-gore que l'on pouvait craindre (auquel je faisais allusion en parlant de "Megan is missing"). C'est ce que j'adorerai toujours dans le cinéma européen : faire parler les acteurs, user des mots, ce n'est pas un blasphème au cinéma ; montrer moins, suggérer plus, n'est pas incompatible avec le portrait de la plus grande criminelle connue, la preuve.
Sickboy Moviez
Publicité
Publicité