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Sickboy Moviez
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28 août 2011

LE COMPLEXE DU CASTOR

Le-complexe-du-castorActrice aussi fabuleuse qu'erratique dans le choix de ses rôles (sa filmo comprend autant de chef d'oeuvres que d'ovnis inclassables et irregardables, mesurez ainsi le fossé qui sépare Nell de Flight Plan ou The Little Girl Who Lives Down The Lane de Moi, Fleur Bleue...), Jodie Foster s'essaie sporadiquement à la mise en scène depuis 1991 et son premier long, Little Man Tate, Le Petit Homme en VF. Ce film, qui lui a permis à l'époque de se mettre indirectement en scène au travers de l'histoire de ce petit garçon surdoué, représentait d'ailleurs plus une thérapie personnelle qu'un réel effort de cinéma. Même s'il resta un film anecdotique, il garda au travers des années l'affection d'une bonne partie des admirateurs de l'actrice qui reconnurent là sa patte discrète, sobre et pudique.

Après le sympathique mais pas inoubliable Un Week End En Famille en 1995, Jodie revient cette année avec un nouvel essai, 16 ans après, et une fois de plus touche la cible et les spectateurs avec une histoire simple et émouvante dont elle a le secret. Pour beaucoup, The Beaver (Le Complexe Du Castor) n'est qu'une petite histoire mignonne à propos de la quête d'identité, mais c'est beaucoup plus compliqué que ça. En faisant le choix pas si innocent de confier le premier rôle à Mel Gibson, acteur/réalisateur comme elle, et personnage hautement décrié à cause de prises de positions anti-sionistes et de films coup de poing (La Passion Du Christ forcément, et Apocalypto, à un autre degré), elle propulse son film dans plusieurs dimensions parallèles, et provoque autant le mea-culpa indirect d'un acteur envers ses fans et sa profession, mais aussi sale l'ardoise d'un Hollywood qui broie ses acteurs toujours un peu plus en les enfonçant dans la dépendance d'Ego, et la paranoïa ambiante.

Walter Black (Gibson), a tout pour être un homme comblé. A la tête d'une entreprise de jouets familiale, la cinquantaine florissante, père de deux beaux et intelligents enfants, et mari d'une femme architecte belle et brillante, il touche pourtant le fond de sa dépression, sans vraiment savoir pourquoi. Il passe son temps à dormir, à ruminer, en gros, a ne pas exister au grand dam de sa famille. Son fils aîné ne peut plus le supporter, et tapisse même son mur de post-its sur lesquels sont marqués à l'encre indélébile de la haine tous les tics héréditaires dont il est atteint, et qui le rapprochent de son géniteur. En gros, tout va mal, sans vraiment qu'il ne cherche une issue. Mais lorsque Meredith (Foster) le fout à la porte, incapable d'en supporter plus, le déclic va se produire. Walter va tenter de mettre fin à ses jours, en se pendant au rideau de douche de sa chambre d'hôtel, et en se jetant du septième étage. Malheureusement (ou heureusement) pour lui, la tentative va s'avérer un échec, et il va se réveiller le lendemain matin, affalé sur la moquette, avec un nouvel ami/alter Ego improbable.

Une marionette de Castor.

Dès lors, celui ci va devenir sa voix, son âme, sa personnalité, et, plus grave encore, son porte parole. Il fait imprimer de jolies cartes bleues sur lesquelles il porte à l'écrit les explications à sa situation, et présente son nouvel ami comme le seul étant susceptible de le guérir. Ce qui, au départ, surprend et amuse tout le monde, finit même par fonctionner. Plus qu'il ne l'aurait cru. Mais nous sommes à Hollywood, et tous les miracles ont une fin. Je n'en dirai pas plus.

Avec un scénar pareil et un acteur aussi imprévisible et surveillé que Gibson, Jodie Foster courrait tout droit au casse gueule. On était en droit de s'attendre à une pochade débilitante et/ou affligeante, à un faux drame grossier où toutes les ficelles du pathos à tirer l'auraient été, ou, dans le meilleur des cas, à un de ces films constat dans lequel on mélange allègrement le drame fictif au réel pour finalement s'appitoyer sur son propre sort. Mais il n'en est rien. Foster s'en sort avec les honneurs et même plus. Tout ça parce qu'elle n'a pas voulu péter plus haut que son cul, et est restée en terrain balisée. Et surtout, parce qu'une fois de plus, Mel Gibson prouve quel acteur gigantesque il est.

Si l'Oscar est une réponse redondante à un besoin de reconnaissance aveugle, il reste parfois le seul moyen de notifier à un acteur à quel point il a réussi à se transcender. Et c'est le cas ici. Mel mérite la statuette plus que n'importe qui, un peu à la manière de Travolta dans Pulp Fiction. Car tous les deux ont utilisé le même moyen pour - non se justifier - mais se retrouver et jeter un regard amusé/conscient sur leur glorieux passé entaché de mauvais choix. La dérision restant parfois la seule arme à disposition pour que le public comprenne à quel point vous regrettez certains choix, Mel à abattu cette carte, et a crucifié son propre castor sur l'autel de la contrition. Car si certains verront dans ce rôle un habile moyen d'utiliser le "c'est pas moi, c'est lui" comme porte flamme, la plupart des spectateurs auront compris que c'est bien l'inverse dont il s'agit. Gibson ne chasse pas ses démons à l'aide d'un exorcisme cheap, mais avoue en public être lui même l'auteur de ses dérapages, et ne rien pouvoir y faire. Car on ne peut pas toujours contrôler à loisir sa part de ténèbres.

Le reste du casting est à la hauteur de Gibson. Foster, bien sur impeccable en femme amoureuse mais frustrée et parfois désespérée, Anton Yelchin, en fils révolté, surdoué et capable de comprendre les gens et les observant, Jennifer Lawrence en capitaine des pom pom girls incapable de faire le deuil de son frère et de ses illusions, et la splendide Cherry Jones en Vice Présidente humaine au regard bleu azur, sont les lunettes n'arrivent pas à cacher la beauté.

Le Complexe Du Castor est un film humain, seulement humain, comme Jodie Foster sait les faire. Il ne s'agit ni d'une perle, ni d'un plaisir mineur qu'on regarde un peu avec honte. Juste un film solide, impeccablement interprété, qui ne cherche pas à révolutionner la façon dont les spectateurs doivent percevoir un long métrage, ni à relifter la psychanalyse avec des conclusions de comptoir. Elle tente juste de nous expliquer que parfois, et même la plupart du temps, nous sommes malheureux à cause de nous mêmes. On peut toujours vivre dans l'opulence, ou le dénuement le plus total, on peut faire table rase de son passé, accumuler les objets, aller de l'avant sans réfléchir, il y aura toujours quelqu'un ou quelque chose pour nous rattraper jusqu'à ce que nous comprenions l'évidence.

Qu'il faut savoir avant tout qui nous sommes.

Ce qui parfois peut être une évidence pour les plus chanceux devient la quête vaine d'une vie pour beaucoup d'autres.

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